Eh oui joker, tu ne crois pas si bien dire, écoute cette histoire elle ne sera qu’en prose, tu disais l’autre soir, parle-nous si tu peux d’un chasseur gentleman, je pourrai simplement te citer sur le site l’exemple de notre ami Laurent chasseur de la bête noire qui à mon humble avis des chasseurs est sûrement gentleman. Mais ce serait facile, aussi laisse-moi te raconter cette histoire réelle que j’ai vécue il y a de ça deux ans Ancien chasseur je suis, je n’ai donc pas de problèmes pour rencontrer de temps en temps les adeptes de Saint Hubert (patron des chasseurs). Curieux de nature quelque soit le domaine, j’ai voulu une fois, prendre la température régnant dans un groupe de chasseurs, rendez -vous fut pris avec le responsable de la battue et je lui demandais s’il existait dans leur équipe un chasseur gentleman avec qui j’aurais pu sans trop déranger passer une partie de la journée, ma question souleva une hilarité générale et l’on me répondit, « oui nous avons ton homme , il n’est pas très bavard, un peu rustre, mais respecte-le surtout c’est notre aîné à tous » . Fort de ces renseignements, un peu inquiet ma foi, j’attendais gentiment de rencontrer l’ancien. Mon attente fut courte, dans mon dos apparut un homme aux traits bien burinés, marqué par les années. -« Je m’appelle Julien, viens avec moi gamin, je vais t’apprendre la chasse, du moins ma chasse à moi ». Il avait une voix douce, inattendue, il respirait la malice, vêtu d’une vieille veste de chasse en velours qui fut jadis côtelée, luisante de crasse et surtout odorante, d’un vieux pantalon rapiécé et d’un béret sans âge vissé au coin de l’oreille. A son épaule et c’est la le plus surprenant, bien sûr on pensait y voir une vieille pétoire, stupéfaction, une de ces carabine dernier cri, chef d’œuvre de l’armurerie allemande rutilante. C’était un solitaire, même lorsqu’il rejoignait ses frères de battue, il s’arrangeait toujours pour aller se poster là ou personne ne viendrait l’ennuyer. Il avançait sans bruit, me faisant quelques signes, m’indiquant de le suivre, il disait quelques mots plutôt les murmurait, on aurait pu penser qu’il ne voulait surtout pas déranger la quiétude de l’endroit. Il me dit doucement : -« Nous sommes au bon endroit, fume si tu le veux ça n’a pas d’importance » Après un long silence, il me dévisagea, son visage s’éclaira, il se mit à parler -« Tu sembles un bon gamin, laisse-moi t’expliquer pourquoi la chasse, c’est parfois une connerie, pourquoi veux-tu tuer une biche ou un chevreuil alors que si tu le veux ils viendront manger dans ta main » J’étais éberlué, je ne pus m’empêcher de lui répliquer : -« Père Julien, je ne comprends pas bien, vous avez dans les mains une carabine aussi dangereuse qu’une arme de guerre ». -« Là, vois-tu gamin, ta réponse tu vas l’avoir tout à l’heure, maintenant silence, écoute un peu les chiens, ils viennent de lancer, j’te parie aux abois qu’il s’agit d’un chevreuil, ne bouge pas , dis plus rien et regarde bien, là dans la coulée, c’est là qu’il va passer » On entendait au loin la musique des chiens, elle venait en effet dans notre direction, je fixai la coulée indiquée par Julien, c’est lui qui me montra, la bête sautillait, un beau male coiffé d’une magnifique ramure, selon moi une bête de quatre ou cinq ans, quatre-vingts mètres, la distance était bonne, j’étais prêt à entendre claquer la carabine, au lieu de ça, j’en fus interloqué, le père julien siffla deux coups brefs, surprise autant que moi, la bête s’immobilisa au creux de la coulée, cinquante mètres immobile de trois quart, position et distance idéale pour recevoir la mort, mais rien, le père Julien bougea, et la bête dans un saut disparut dans le fourré. -« Père Julien, pourquoi ?» Il se tourna vers moi, sourire complice -« Gamin regarde » Il me tendit son arme ouverte, elle n’était pas chargée et il dit : -« Tu l’as ta réponse gamin, les animaux, ceux-la, c’est mes amis, oui j’en prélève un de temps en temps, faut bien manger et puis une truite ou deux, quelques champignons et puis tu sais, j’ai mon jardin, des poules quelques lapins et à mon age, tu sais faut pas grand-chose pour vivre ." Et il ajouta : "au fait le chevreuil, c’est une bête de sept ans un beau reproducteur, il va en faire des petits celui-la ». Quelle leçon, et quelle journée, le père Julien m’a montré du gibier ce jour- là comme jamais je l’avais vu, il m’a montré sa forêt, il m’a fait découvrir sa nature. Tu vois Joker, ce Père Julien là, si ce n’est pas un gentleman chasseur malgré ses 82 ans aux châtaignes, alors j’ai perdu mon pari.
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