Pour quelques emplettes, chez une vieille tante, nous t'avions confié, tu étais encore petit, et ne marchais guère: elle était contente, malgré sa jeunesse sans enfant ni mari. Un jour, nous étions tout deux, seuls en son logis. Voulant me retenir, elle m'aimait bien tu sais. "à vingt ans j'ai renoncé à prendre mari" Elle voulait sans doute crever un vieil abcès… Hélas, le temps m'était compté, le sien aussi mais j'ignorais encore, si proche son silence. Tu sais fiston, je regrette toujours aujourd'hui d'avoir fermé ma porte à sa confiance. Nous montions l'escalier de son appartement, elle s'échappait vers l'étage supérieur, te serrant dans ses bras, comme un enlèvement J'ai croisé ses yeux et ça m'a fait mal au cœur. Ce vide immense et la flamme de détresse de son œil rajeuni, sur son corps enraidi. Je t'ai glissé dans les bras pleins de jeunesse de ta mère. Je me suis approché, interdit, de cette femme aux yeux verts pleins de larmes. Aujourd'hui, j'oserai la serrer dans mes bras Mais vois-tu notre jeunesse nous désarme: j'ai dit "je sais mamie, le cœur ne vieillit pas" Elle hochait la tête, tamponnant ses larmes, et j'en témoigne, à l'automne de mes pas: nos vieux cœurs, de leurs chagrins font beau vacarme, et nos belles amours passées sont toujours là... |