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20/09/2004

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étrange chose qu'une rose

Etrange chose qu’une rose


Peut-être plusieurs connaissent ici l’histoire du miracle de la rose ; pourtant je ne peux résister à l’envie de la raconter pour ceux qui ne la connaissent pas encore et ceux également qui auraient plaisir à l’entendre à nouveau.

A l’entrée du souterrain poussait à côté du muret de pierres un massif de roses très rouges, d’une pourpre presque grave ; et quand le soleil donnait sur elles, rien n’aurait pu égaler leur parfum en suavité, en générosité, en douceur et en humilité, si me comprenez quand je vous dis qu’un parfum peut être à la fois humble et généreux.

Le jeune Mauvis n’aimait guère les fleurs, il s’intéressait davantage aux joues des filles, et particulièrement à celles d’une Galinaon dont il était tombé fou amoureux. Hélas, celle-ci ne partageait pas sa passion, et le lui fit bien voir par son mépris et son silence quand vainement il essayait d’attirer son attention. Pauvre clerc sans fortune et sans situation, comment pouvait-il espérer de la dame ?

Cependant celle-ci ne trouvait pas trop mauvais de subir les soupirs et l’affection du jeune homme qu’elle tenait à distance ; quand elle se maria, elle l’oublia quelque peu mais une fois la nouveauté du lit éprouvée, le mari fut plus tiède et Galinaon se prit à regretter les pieux hommages du clerc : ils lui permettraient de supporter cette vie de facilité qu’elle menait avec l’ennuyeux mari qui commençait à la négliger, car les charmes déjà usés par le bonhomme et trop connus de celui-ci n’opéraient plus guère la magie qui conduisit l’époux à l’autel.

Cependant le cœur du clerc était ailleurs. Voyant que ses exploits et ses souffrances ne menaient qu’à exciter davantage le mépris de la belle, Mauvis s’était vengé sur une de ces roses à l’époque riante où leur parfum est le plus suave : ayant cru sa mort préférable à ses maux sans fin, il la cueillit le jour où Galinaon passait nue dans les bras du marchand, l’arrosant de ses pleurs il lui dédia son amour et il fut sauvé. Il ne se passa pas de jour depuis qu’il ne pleurât sur la rose ; et le parfum, mouillé des larmes recueillies sur le velours pourpre des pétales rappelait à Mauvis le visage et l’odeur des cheveux de son amour perdu, et il en éprouvait soulagement. Cependant il arriva ceci que la rose loin de friper ses pétales et de perdre un à un ceux-là qui entourent son cœur, ne fana pas et resta toujours aussi fraîche, diffusant toujours son parfum avec même discrétion et générosité. Petit à petit, tous les jours Mauvis se réjouit de voir la rose si belle et à son odeur pleine de chaleur et de tendresse il conçut de la reconnaissance, puis de l’inquiétude pour la fragilité de la fleur, puis de l’admiration pour sa beauté généreuse et désintéressée. Et un jour il fut clair que la rose était devenu amour de Mauvis.
Il arriva alors que Galinaon délaissée par son mari et ayant atteint sa trente cinquième année ne put espérer inspirer autre amour profond comme le fut celui de Mauvis mais plaisirs tristes sales et passagers, et vint à Mauvis qui fut le seul amoureux véritable de toute sa vie ; elle tenta les larmes pour assouplir ce que le cœur du clerc aurait pu avoir de dureté par conséquence à la grande tristesse où il fut de son amour méprisé, cependant celui-ci lui accorda juste un regard de grande pitié et paroles mais d’amour, non: il était trop tard, la rose s’était montrée fidèle, reconnaissant, elle, et recueillant l’amour du clerc elle y avait trouvé force de ne pas mourir, et le clerc en retour reconnaissant l’amour fragile de la rose embaumant modestement sa vie et l’éclairant de son humble beauté lui avait donné compassion pour sa fragilité éphémère, attention, admiration et affection ; autant dire qu’il l’aimait de cet amour sincère dont dame n’avait voulu; et cet amour partagé fut tellement saint et heureux que Mauvis en garda l’ardeur rayonnante de la jeunesse alors que Galinaon, qui n’avait su ni reconnaître ni aimer le vrai amour, mais comme Judas l’avait trahi pour faux-semblants, passée la trentaine déjà était femme vieillie.
Mauvis fut heureux toute sa vie, travailla avec courage et fut un réconfort pour ses proches et ses amis ainsi que pour ceux qui avaient touché son cœur ; il fut lui-même entouré et plus d’une jeune femme aimable et jolie regretta qu’il ne s’intéressât guère à son sexe mais lui parlât comme à sœur. Tous les matins il déposait un court et affectueux baiser sur la corolle de celle qui l’accompagnait, et toujours il garda le secret de son cœur.

Le jour où en paix il mourut la rose embauma comme jamais ; cependant la nuit qui suivit l’enlèvement de la dépouille du clerc elle fana et le lendemain on retrouva éparpillée toute sa corolle à son pied, son cœur nu penché vers le sol.