Au son du mot -SEXOLOGUE- quelles sont, spontanément, les premières pensées qui vous viennent à l'esprit? Cela vous fait rire? Vous êtes troublé? Gêné? Offusqué? Peut-être même, excité?
Voici quatre mythes attribués à la femme sexologue. Parmi eux, lequel correspond le plus à votre toute première réaction?
a) La cochonne
b) La téléphoniste-escorte
c) La femme parfaite
d) Le cordonnier mal chaussé
Résultats
Si vous avez répondu a) : vous croyez qu'elle est une bête de sexe; vous l'imaginez fort jolie et sexy.
Si votre réponse est b) : vous composez son numéro de téléphone en pensant qu'il s'agit 1) d'une ligne érotique ou 2) d'un service d'escortes.
Si votre choix de réponse se rapproche davantage de c) : en raison de sa formation et de son bagage de connaissan-ces, vous vous dites qu'elle n'est pas sensée avoir de problèmes sexuels... et pouvoir les résoudre par elle-même si jamais elle en avait.
Si votre réponse correspond à d) : vous présumez que c'est une "frustrée" qui cherche à régler ses propres problèmes en écoutant ceux des autres.
Où vous situez-vous? Si tout cela peut sembler fictif, à prime abord, détrompez-vous! Car quelque soit votre réponse, vous n'avez pas tort. Pour la simple et bonne raison que cette image plutôt salée-sucrée, autant que péjorative ou erronée, de la sexologue, existe belle et bien. En fait, j'ai connu autant de perceptions qu'il y a de lettres dans l'alphabet. C'est ce qui fait toute la beauté de cette profession... malgré les mésaventures! Au début de mes études, dans les années 80, les réactions étaient plutôt sarcastiques et empreintes de scepticisme. Aujourd'hui, je dirais qu'il existe davantage de respect et de reconnaissance envers la profession quoiqu'il m'arrive encore, par exemple, de recevoir des appels obscènes. Eh oui! On se masturbe au son de ma voix, on en profite pour me raconter des fantasmes. En direct ou sur ma boîte vocale, de jour comme de nuit. D'autres rêvent de me rencontrer en talons aiguilles, vêtue de jarretelles, ou encore, confondent massage érotique et sexologie. Certains envisagent même de "baiser" avec moi dans mon bureau! Quelques-uns croient que c'est un service téléphonique offert gratuitement et que leurs problèmes pourraient être réglés en deux minutes et quart. Ouf! Mais d'où peut bien provenir toute cette confusion?
La profession de sexologue : revue et corrigée
a) La cochonne
Le mythe veut que ce soit une "cochonne" parce qu'elle aime parler et entendre parler de sexe.
La réalité veut que l'on se questionne sur la définition du mot "cochonne". Pour être sexologue, et surtout, exercer avec compétence sa profession, il est essentiel d'être à l'aise avec sa propre sexualité. La formation en sexologie a d'ailleurs été tout spécialement conçue à cet effet. Non seulement on nous apprend à développer et à approfondir des connaissances théoriques mais aussi, à nous sensibiliser à l'importance d'effectuer un travail de réflexion personnelle sur notre propre vécu. C'est d'ailleurs cette auto-analyse qui colore et nourrit la relation thérapeutique. Pas nécessaire, pour autant, d'avoir tout expérimenté en la matière. Sentir que notre propre sexualité est équilibrée suffit. Pour inspirer confiance et crédibilité, la sexologue doit donc refléter et dégager la santé non seulement sexuel-le, mais aussi psychologique. C'est son principal outil d'intervention. Alors pourquoi cette réticence à donner, aux sexologues, le droit de s'accomplir librement en tant qu'être sexué, sexuel, sensuel et érotique? Pourquoi confondre l'amour de la sexualité humaine avec l'obsession du sexe? Laisseriez-vous votre animal domestique entre les mains d'un vétérinaire, sachant qu'il n'aime pas les animaux?
Une sexologue, ce n'est donc pas une cochonne. C'est une femme bien ordinaire qui cherche, tout simplement, et au même titre que les autres, à être épanouie sexuellement.
b) La téléphoniste-escorte
Le mythe veut que l'on attribue aux sexologues des fonctions différentes de ce qu'est, en réalité, leur mandat initial.
La réalité veut que l'on s'interroge sur le fait que les profe-sions, ayant trait à la sexualité, soient ainsi confondues entre elles. Serait-ce parce que le mot SEXE figure dans son titre? S'y intéresser signifie-t-il : faire preuve d'une ouverture d'esprit hors contexte? Volontaire, ce malentendu? Réelle ignorance ou manque d'informations appropriées?
Une lacune au niveau de la capacité d'introspection pourrait peut-être expliquer ce méli-mélo. Pour illustrer cette hypothèse, je me servirai du cas de Jean-Philippe. Il consulte pour un trouble d'éjaculation précoce. Sa conjointe est insatisfaite et menace de le quitter. La pression est forte. Souffrant de dépendance affective, Jean-Philippe a tout essayé pour lui plaire... mais sans succès. Il s'attend à ce que je lui montre, concrètement, comment "se retenir". Il ne comprend pas la place qu'occupe son anxiété de performance sur sa vie de couple et comment celle-ci se répercute sur son problème sexuel. La thérapie verbale lui semble abstraite et dénuée de sens. Il voudrait pouvoir isoler du reste, son problème. Sébastien, quant à lui, voudrait bien pouvoir se masturber devant moi. Il est convaincu de l'efficacité de ce moyen pour l'aider à mieux comprendre son problème d'exhibitionnisme. Sébastien aurait connu une autre sexologue utilisant cette technique d'intervention peu orthodoxe! Cette sexologue a-t-elle réellement existée ou était-ce simplement une manière de me tester? On nous perçoit souvent comme de pures mécaniciennes!
Une sexologue, ce n'est donc pas une téléphoniste-escorte. C'est une femme qui s'intéresse, de manière non pas pratique, mais thérapeutique, à la sexualité humaine sous toutes ses formes.
c) La femme parfaite
Le mythe veut que la sexologue soit perçue comme une femme parfaite, n'étant jamais au prise avec des problèmes sexuels; n'étant jamais dépourvue de réponses et de solutions.
La réalité veut que personne n'échappe aux problèmes. Pas même la sexologue! Parce qu'il soigne les gens malades, un médecin est-il pour autant à l'abri de la maladie? Le médecin a tout de même un avantage sur les autres: ses connaissances médicales. Celles-ci lui donnent accès à des solutions efficaces pour assurer sa guérison. Mais dans certains cas, peut-être, aura-t-il besoin de l'avis d'un autre professionnel de la santé. Saura-t-il aller chercher cette aide? Car selon la perception populaire, Dieu et médecin font souvent la paire. Et le médecin lui-même peut très bien se faire prendre dans cet engrenage.
Il en va de même pour la sexologue. Se donnera-t-elle le droit d'être humaine sous prétexte que ses connaissances sont sensées pouvoir l'aider à résoudre ses propres problèmes? Ou pire encore, qu'elle ne soit pas sensée en avoir parce qu'elle possède, justement, LES connais-sances nécessaires! En plus d'être médecin, Dieu serait-il aussi sexologue? Ces propos me rappellent l'histoire de Josianne et Martine, deux collègues de travail. La première avait tellement honte d'avoir contracté une M.T.S.; et la deuxième, d'avoir à subir un arrêt de grossesse.. parce qu'elles étaient sexologues et qu'elles auraient dû le savoir! Mais dans le feu de l'action, comme bien d'autres, elles ont omis d'utiliser un condom. On ne nous donne pas facilement le droit à l'erreur!
Le mythe de la femme par-faite, en parfaite santé sexuelle, pèse lourd dans la balance et rend peut-être difficile l'idée d'avoir, un jour ou l'autre, besoin d'aide. La sexologue possède toutefois un atout majeur qui permet de nuancer et déjouer ce mythe : sa conscience professionnelle. Celle-ci lui permet de reconnaître le fait qu'elle ne peut aider efficacement les autres si elle n'est pas, d'abord et avant tout, en accord avec elle-même. Comment promouvoir la santé si on ne l'est pas soi-même? Il ne faut donc pas hésiter à consulter, si nécessaire, car lorsque la vie nous met à l'épreuve, on perd souvent notre objectivité. J'ai d'ailleurs toujours pensé que chaque psy devrait avoir son propre psy. Manon est sexologue et travaille auprès des jeunes en difficulté. Elle en a aidé plus qu'un... allant de la tentative de suicide jusqu'à la grossesse non désirée, en passant par l'agression sexuelle. Mais lorsque sa propre fille devient elle-même une adolescente en crise, Manon est complètement démunie. C'est qu'elle est, cette fois, personnellement concernée par les événements. Laissons de côté l'orgueil et la honte. Non seulement, passer de la position d'aidant à la position d'aidée nous libère personnellement, mais nous permet aussi une libération professionnelle. Ce changement de rôles nous sensibili-se et nous rapproche un peu plus de la personne qui consulte, ayant expérimenté concrètement ce qu'elle peut ressentir, une fois assise devant nous.
Une sexologue, ce n'est donc pas la femme parfaite. C'est une femme comme toutes les autres avec ses hauts et ses bas.
d) Le cordonnier mal chaussé
Le mythe veut que l'on considère la sexologue comme une femme dépourvue de vécu. Elle aurait choisi d'exercer cette profession dans l'espoir d'y trouver des réponses personnelles. Bref, un choix de carrière égoïste et calculé!
La réalité veut que ce ne soit pas au travers les problèmes des autres que la sexologue trouve des solutions à ses propres problèmes, mais bien au fond d'elle-même. Au même titre que tous ceux et celles qui entreprennent une démarche thérapeutique.
Comme on a vu au point c), la profession de sexologue ne nous protège pas contre les intempéries. Aucun autre métier d'ailleurs! Un jour ou l'autre, il se peut que la sexologue ressente, elle aussi, le besoin de consulter. Cela ne fait pas d'elle, pour autant, un cordonnier mal chaussé. Au contraire, cette vigilance d'esprit lui permet d'être plus entière; mieux disposée à aider les autres. Inverser les rôles favorise une meilleure disponibilité et une qualité de présence. Une fois au bureau, les soucis personnels sont plus aisément laissés à la maison.
En périodes difficiles, il s'avère même que le client peut nous aider autant, sinon plus, qu'on l'aide. Mais ce n'est pas parce qu'on se sert de lui pour résoudre nos propres problèmes. C'est plutôt parce qu'il nous permet de continuer à croire que notre vie, malgré tout, a encore un sens. Intervenir auprès et avec une personne motivée, nous encourage à continuer, ayant le sentiment d'être utile (besoin viscéral universel). C'est pourquoi, après chaque séance, et à chaque fois qu'un client me remercie, je le remercie à mon tour. Avez-vous remarqué que c'est d'ailleurs dans les moments les plus difficiles que l'on se surpasse?
Il n'est toutefois pas nécessaire d'avoir expéri-menté tous les problèmes de la terre pour pouvoir aider et comprendre les autres. Il suffit de se comprendre soi-même et de vivre en harmonie avec nos difficultés personnelles; de les percevoir comme un moyen efficace d'enrichir notre vie professionnelle.
Une sexologue, ce n'est donc pas un cordonnier mal chaussé. C'est une femme qui a choisi d'aider les autres parce que sa propre qualité de vie lui tient à coeur.
Le mot de la fin
Il semble que la sexologue devienne, en quelque sorte, un objet de curiosité, de convoitise et de fantasme. Certes, il y a aura toujours un rapport de séduction entre les hommes et les femmes. Et celui-ci peut très bien s'installer dans un contexte thérapeutique, sans pour autant être déplacé. Comment ne pas succomber "aux charmes" de notre thérapeute alors que celle-ci s'intéresse à nous réellement et nous porte une attention toute particulière? A quand remonte justement la dernière fois où vous avez vraiment pu vous confier sans craindre le jugement, et que l'on vous ait vraiment pris tel que vous êtes? Il n'en faut pas plus pour exercer sur la personne qui consulte une sorte d'at-traction pouvant susci-ter du désir. Il est indis-pensable de ne jamais chercher à tuer cette manifestation. Car le désir signifie qu'on a le goût de vivre; c'est ce qui fait qu'une personne se sente vivante. Marco consulte en raison d'un manque de libido. Il est plutôt dépressif et a perdu son sens de l'émerveillement. Toute sa vie est remise en question. Aime-t-il encore sa femme? Veut-il encore continuer à exercer la profession d'avocat? Un jour, Marco m'avoue être attiré sexuelle-ment par moi. Quelle bonne nouvelle! Sachant ce que tout cela signifie, je ne peux qu'encourager la renaissance de ce désir perdu; que me réjouir de ce retour à la vie. Il ne me reste plus qu'à l'aider à appliquer ce goût de la vie à l'extérieur du bureau, auprès des siens.
Avec Marco, le transfert s'est très bien effectué. Toutefois, la ligne semble plutôt mince entre les deux, c'est-à-dire entre un désir qui ne cherche, au fond, qu'à manifester la vie, et un désir qui ne cherche qu'à exprimer des besoins sexuels. De là toute l'importance de développer sa capacité d'introspection pour en arriver à se voir comme un sujet expérimentant le désir, et non pas voir la sexologue uniquement comme un objet de désir.
Pour préserver l'anonymat et la confidentialité, les prénoms utilisés dans cet article sont fictifs et les cas exposés ont été modifiés.
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