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Les résistances à consulter un sexologue



Pourquoi est-ce si embarrassant, pour la plupart d'entre nous, de prendre la décision d'aller consulter un sexologue? Un jour, peut-être, avez-vous été confronté à cette réalité. Les quelques exemples qui suivent vous aideront, je l'espère, à mieux comprendre... qu'il s'agisse de vous-même ou d'un membre de votre entourage.

1. La peur du changement

Le changement est source de hantise chez tout être humain. Qui d'entre nous n'a jamais préféré (consciemment ou non), demeurer malheureux dans son connu, plutôt que de risquer d'être heureux dans l’inconnu? Il va de soi que l'être humain est fait de contradictions. Vous avez entièrement raison d'être effrayé de la sorte car changer, malheureusement, ne se fait pas sans douleurs. Toutefois, on oublie trop souvent que le changement ne s'opère pas en un clin d'oeil --il est progressif-- et qu'après le déchirement, on goûte à la liberté. La liberté de ne plus être entravé par la partie de soi-même que l'on a choisi de modifier. Vous avez donc amplement le temps de vous y apprivoiser. C'est vous qui êtes le maître de la situation; et ce, jusqu'à la fin du processus de changement... en autant que vous acceptiez les enjeux!

Le cas de Line illustre bien à quel point on peut craindre le changement. Suite à l'infidélité de son mari, elle commence à ressentir des irritations vulvaires. Aucun médecin ne semble pouvoir poser un diagnostic. En attendant des résultats de tests, on lui suggère donc de prendre rendez-vous avec un(e) sexologue... histoire d'approfondir la question sous un autre angle et de vérifier s'il ne s'agirait pas plutôt d'un trouble psychoso-matique. Line est bouleversée à l'idée de guérir. C'est que une ou deux relations sexuelles par année semblent faire son affaire. Son but n'est donc pas de retrouver une intimité sexuelle mais bien d'éliminer, tout simplement, les douleurs physiques. On finit par trouver un traitement médical adéquat. Rassurée d'apprendre que son problème était bel et bien d'ordre "physique", Line ne ressent plus autant le besoin de poursuivre sa démarche. Mais qu'en est-il de ses blessures intérieures? Qu'en est-il de l'opportunité de pouvoir goûter à un épanouissement sexuel? Son corps lui parle --et elle en est consciente-- mais refuse volontairement de l'écouter. Elle tient trop à préserver sa stabilité financière. Line a donc choisi de poursuivre sa route, sans se donner le droit au plaisir.

2. La pression extérieure

Vous finissez par prendre rendez-vous mais vous n'êtes pas convaincu du bien-fondé de ce geste. Vous le faites surtout pour calmer votre entourage ou pour leur faire plaisir. Échec assuré! Si vous n'êtes pas réellement motivé et que la décision ne vient pas entièrement de vous, vous boycotterez par différents moyens la démarche. Vous mentirez au thérapeute ainsi qu'à vous-même. En peu de temps, vous abandonnerez en clamant que vous avez essayé mais que ça n'a rien donné, voire même, que le sexologue n'était pas compétent. De toutes façons, votre manière d'être habituelle ne vous apporte-t-elle pas encore trop de "bénéfices" pour vous en défaire? On revient à la peur du changement.

Cette deuxième résistance me rappelle Jacques, fin vingtaine. Son problème de voyeurisme et notamment, sa surconsommation de matériel pornographique, pousse son conjoint à lui demander de consulter. Par crainte de le perdre (et le croyant irremplaçable), Jacques rebondit dans mon bureau... en catastrophe. Je me souviens d'un homme plutôt difficile à cerner, jouant parfois le rôle de victime et ne laissant pas entrevoir son vrai visage. Aucune implication ni responsabilisation face à son problème qui pourtant, semble nuire à sa relation de couple mais surtout, à lui-même. Son unique motivation : réussir à garder intacte sa relation sans vraiment vouloir modifier ses comportements. Je dois sans cesse le ramener à lui-même, ayant tendance à axer la thérapie sur son conjoint. Jacques ne s'est jamais présenté à son cinquième rendez-vous. Je n'ai plus jamais entendu parler de lui.

3. C'est pas moi qui a le problème

Nombre de couples font face, un jour ou l'autre, à des insatisfactions. A prime abord, le problème peut sembler dépendre davantage de l'un des partenaires. C'est simplement que l'un des deux a réussi, avant l'autre, à exprimer l'inconfort. Vous pouvez alors a) vous déresponsabiliser et laisser à l'autre tout le poids du pro-blème ou b) vous décider à consulter en couple, mais le faire en de-meurant sur vos positions ou simplement pour prouver à l'autre votre bon vouloir. Échec assuré dans les deux cas! Par définition, être en couple signifie être DEUX. Donc, de se consulter : qu'il soit question d'un problème à résou-dre ou de vacances à planifier! Tout est toujours cinquante-cinquante. Chacun y joue un rôle déterminant. Il ne s'agit donc pas de trou-ver LE coupable, mais bien d'agir ensemble pour renforcer les bases et accroître la compréhension mu-tuelle. Le problème #1 demeure la communication. C'est précisément sur ce "bobo" que l'on agit et les effets positifs se répercutent sur les deux conjoints à la fois. C'est tout à votre avantage!

L'histoire de Claude et Geneviève, en couple depuis 10 ans, reflète assez bien cette résistance qui veut que l'on ait appris à communiquer en voulant trouver, à tout prix, un coupable... on voudrait tant que l'autre soit comme nous et réagisse de la même manière que nous! Dans cet exemple, c'est Claude qui a le problème et c'est sa faute si le couple se retrouve aujourd'hui en thérapie. Pour Geneviève, les enfants passent en premier. Si ce n'était de la mésentente entre Claude et leur fille, elle ne le punirait pas en le privant de relations sexuelles. Tous deux disent vouloir améliorer leur vie conjugale, mais comme c'est Claude qui a le problème, Geneviève a de la difficulté à s'attribuer un but tant personnel que commun. Chacun cherche à changer l'autre : que Claude devienne un meilleur père; que Geneviève soit plus démonstrative au niveau affectif et sexuel. Après quelques séances, l'annulation de rendez-vous se succède. C'est que le boulot redevient quelque chose de prioritaire alors que seulement quelques semaines auparavant, c'était leur vie de couple qui comptait le plus. La thérapie n'était-elle pas d'ailleurs une solution de dernier recours? La plupart des couples sont tellement peu habitués à se consacrer du temps, ne serait-ce qu'une heure par semaine, qu'il devient peut-être moins confrontant de revenir au mode de communication habituel, même si celui-ci est dysfonctionnel.

4. Je suis capable tout seul

Vous avez de la difficulté à accepter l'idée d'avoir recours à un tel service? Une nécessité que vous n'êtes pas prêt à admettre ou orgueil mal placé? Difficulté à recevoir ou à demander dans la vie en général? Ce ne sont là que des exemples, mais l'état d'esprit dans lequel vous vous positionnez, dès votre premier rendez-vous, peut jouer sur les résultats. Avant d'aller chercher de l'aide, il n'est pas nécessaire non plus d'atteindre le fond du baril... quoique nombreux sont ceux qui doivent passer par là. Puisqu'il s'agit ici d'émotions, il peut être effectivement ardu de passer à l'action. L'important est de s'en sortir, peu importe le moyen et le temps que cela peut prendre.

A ce sujet, je citerais le cas de Bernard qui, je crois, n'était peut-être pas prêt à passer à l'action. Du moins, pas totalement, puisque dès la prise de rendez-vous téléphonique, il insiste pour en obtenir qu'un seul. Malgré le fait qu'il aurait eu besoin d'une aide plus approfondie, Bernard ne cherche qu'à se faire confirmer ce que son entourage et lui-même savent déjà : choix amoureux pro-blématiques, ayant l'âme d'un sauveur. Pendant qu'il s'occupe, de ma-nière obsessionnelle, d'une femme en détresse, il oublie et fuit sa solitude, son ennui et son vide intérieur. Cette dynamique répondant trop bien à un besoin de se sentir utile et valorisé, pas nécessaire de pousser plus loin l'investigation; d'ailleurs, Bernard sait très bien ce qu'il a à faire pour s'en sortir. Il quitte le bureau en ayant la ferme intention de se reprendre en main, en se recréant, par exemple, un nouveau cercle d'amis... Je parierais que Bernard est encore en train de sauver une femme en détresse!

5. Ma sexualité, c'est intime

Admettre d'avoir eu un jour besoin d'aide, semble faire appel à la reconnaissance d'une certaine forme d'impuissance plutôt difficile à gérer. Ainsi, plusieurs personnes ressentent le besoin de garder confidentiel le fait qu'elles ont déjà consulté un ou une sexologue. Malgré des résultats satisfaisants, on tient à préserver, plus souvent qu'autrement, son intimité. Au fin fond de cette réaction légitime se trouve probablement la peur d'être jugé par l'entourage. Quoiqu'il en soit, chacun a droit à son jardin secret. En autant que cette pudeur n'entrave pas le processus thérapeutique en cours et que les nouveaux acquis, soigneusement appris, demeurent présents à long terme.

Ensemble depuis sept ans, Patricia et Germain ont réfléchi longuement avant de prendre la décision d'aller consulter. C'est qu'ils sont jeunes (dans la vingtaine) et que les problèmes sexuels appartiennent, en principe, aux individus plus âgés qu'eux. Patricia et Germain se sont impliqués conscien-cieusement pendant près d'un an et ont réussit à atteindre leur objectif : retrouver leur désir... mais aucun de leurs nombreux amis n'a jamais été mis au courant. Certes, il m'arrive de temps à autre de travailler avec des gens qui me sont personnellement référés. Il n'en demeure pas moins qu'en réalité, il semble qu'on ne veuille pas s'exposer et avoir à se justifier. Vous-même, que feriez-vous dans cette situation? Donner en référence le nom d'un sexologue, c'est un peu comme si on se divulguait soi-même.

6. Ce n'est pas si grave que ça

Un autre mécanisme, pouvant jouer défavorablement, est la négation. C'est-à-dire que pour se rassurer, on donne moins d'importance au problème qu'en réalité. Il est vrai qu'après seulement quelques rencontres, la personne peut se sentir tellement soulagée qu'elle abandonne. C'est pourtant à ce moment précis que le travail en profondeur débute réellement, l'état d'urgence du départ ayant été déblayé. Échec assuré, car le problème risque fort, à nouveau, de venir vous chercher dans le détour. Toutefois, rassurez-vous, ce qui est entamé n'est pas perdu.

C'est ce qui est arrivé lorsque j'ai travaillé avec Gilbert. Il s'agit ici d'un homme qui n'en peut carrément plus d'être incapable de trouver la femme de ses rêves. En même temps, il dit consulter par curiosité et se dit satisfait de sa vie de séducteur chevronné. Jamais Gilbert n'admettra à quel point il souffre. Les conditions de travail sont difficiles : pour ne pas avoir à se regarder, il est constamment sur la défensive. Habitué à chercher les réponses à l'extérieur de lui-même, Gilbert se trouve rapide-ment confronté à son vide intérieur lorsqu'il constate que je ne pos-sède ni baguette magique ni livre de recettes. C'est alors que la négation du problème l'emporte sur le problème lui-même. Plutôt que de se remettre en question, Gilbert préfère donc rendre le destin responsable de ce qui lui arrive. Mais sait-on jamais, peut-être un jour sera-t-il mieux disposé à vivre, jusqu'au bout, une démarche thérapeutique.

7. Je n'ai pas d'argent

Il y a des frais encourus qui ne sont malheureusement pas couverts par l'assurance maladie. La personne doit donc investir non seulement émotivement mais aussi monétairement. Mais lorsqu'on est réellement prêt à vouloir améliorer sa vie, l'argent n'a plus d'importance. J'ai connu des étudiants, voire même, des personnes vivant de l'aide sociale, trouver les fonds néces-saires. On en trouve bien pour faire réparer la voiture? On n'est simplement pas habitué à pren-dre soin de nous, à investir sur soi et pour soi. On ne sait pas trop comment se faire plaisir. Manque d'estime de soi? Peur du changement? De l'engagement? Le manque d'argent ne justifie pas toujours l'abandon. J'aurais beau réviser les frais et les adapter; une personne aurait beau avoir recours à des assurances collectives... Je me dois donc de vérifier la justesse de cet "alibi". Pas toujours évident : certains disparaissent dans la brousse, d'autres ne retournent jamais les appels! Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai parfois l'impression de réveiller de vieux fantômes bien enfouis au fond du placard!

C'est d'ailleurs ce qui s'est passé avec Paul et Renée. Après dix-sept ans de vie conjugale, ils consultent pour une divergence au sujet de la fréquence des relations sexuelles. Paul les trouve trop espacées; pour Renée, elles ne le sont pas suffisamment. Tous deux cherchent donc à trouver un terrain d'entente. Dès le départ, je remarque que c'est Renée qui porte la culotte dans le couple. Paul est plutôt émotif, semble influençable et avoir une certaine difficulté à s'affirmer. Habituellement, je prends toujours soin de rencontrer chacun des partenaires individuellement. Il en ressort à chaque fois des choses fort intéressantes, parfois même, compromettantes. Faute d'argent, Paul et Renée décident de ne pas poursuivre leur démarche. C'est Renée qui s'occupe du budget familial et constate qu'ils ne peuvent finalement pas se permettre un tel investissement. Mais la vraie raison, au fond, c'est que Renée a un amant depuis déjà plusieurs années. Je lui explique alors que cette tierce personne fait partie intégrante de son problème de couple. Elle devra se servir de la thérapie pour ouvrir ce secret si elle veut obtenir les résultats escomptés. Renée refuse de collaborer, le risque étant trop élevé.

Ouf! Heureusement, la plupart participent activement et sont ouverts à faire face à leurs résistances. Réussite assurée! Ce sont eux les vrais gagnants et je ne cesserez jamais de trouver cela émouvant!

Dans le but de préserver l'anonymat et la confidentialité, les prénoms utilisés dans cet article sont fictifs et les cas exposés ont été modifiés.

Dominique Themens M.A. est sexologue clinicienne et psychothérapeute et travaille en pratique privée à la Clinique Médicale Mont-Carmel. On peut la joindre en composant le (514) 526-1738.

Parution originale : Magazine Corps et Âme, Les résistances à consulter un sexologue : no 4, juillet 1999.