La syphilis est une maladie transmise
sexuellement qui est classée en stades, selon son
degré d'infectiosité et d'évolution : primaire,
secondaire, latente précoce (syphilis
asymptomatique qui date d'un an ou moins),
latente tardive (syphilis asymptomatique qui date
de plus d'un an) et tertiaire. Une syphilis primaire
non traitée peut évoluer vers le stade tertiaire,
caractérisé par des atteintes cardio-vasculaires,
neurologiques, musculo-squelettiques, oculaires et
hépatiques. L'infection durant la grossesse peut
causer un avortement spontané, la naissance d'un
enfant mort-né ou prématuré et une syphilis
congénitale.
Avant qu'on ne découvre la pénicilline, la syphilis
était une cause importante de troubles
cardio-vasculaires et neuropsychiatriques ainsi que
de cécité. Toutefois, la transmission et la
progression de la maladie peuvent être stoppées
efficacement grâce à la pénicilline. L'apparition
du VIH dans les années 80 a redonné une
importance nouvelle à la syphilis. Cette dernière
accroît la transmission sexuelle du VIH par un
facteur de six à sept1, et les patients souffrant de
neurosyphilis qui sont infectés par le VIH sont
particulièrement difficiles à traiter. Des données
récentes ont montré que la détection précoce et le
traitement des MTS peuvent influer grandement
sur la transmission sexuelle du VIH2-9. À cause de
cet effet synergique10, la lutte contre la syphilis
peut avoir un retentissement important sur
l'épidémie d'infection VIH.
Sexe et âge (figure 1)11
En 1997, le ratio homme-femme pour les cas
déclarés de syphilis infectieuse (primaire,
secondaire et latente précoce) s'établissait à 1,4:1.
Le taux d'incidence culminait chez les hommes
dans la trentaine, alors que chez les femmes, le
taux était le plus élevé à la fin de la vingtaine.
Source : Bureau du VIH/sida, des MTS et de la tuberculose, LLCM, Santé Canada, Mai 1999.
Répartition géographique (figure 2)11
En 1997, quatre provinces et deux territoires n'ont
signalé aucun cas de syphilis infectieuse, et toutes
les provinces et les territoires, sauf la Colombie-Britannique, avaient atteint l'objectif national fixé
pour l'an 2000, soit de moins de 0,5 cas pour
100 000 habitants. Le taux de syphilis infectieuse
est en déclin depuis 1985 en Colombie-Britannique, ayant chuté à au plus 0,5 cas pour
100 000 habitants (<= 20 cas/année) de 1993 à
1996. Au milieu de 1997 a débuté une épidémie
de syphilis associée à l'industrie du sexe dans le
centre-ville de Vancouver12. Le taux a grimpé à
1,2 pour 100 000 (48 cas), soit le taux le plus élevé
au pays. Malgré des efforts extraordinaires
déployés par le personnel du BCCDC, cette
épidémie se poursuit, le taux préliminaire pour
1998 atteignant 2,9 cas pour 100 000 habitants13
(114 cas).
En 1997, toutes les provinces et les territoires sauf
la Colombie-Britannique ont atteint l'objectif
national pour l'an 2000, à savoir aucun cas
déclaré de syphilis congénitale. La C.-B. a signalé
les deux seuls cas dans tout le Canada11,12.
Source : Bureau du VIH/sida, des MTS et de la tuberculose, LLCM, Santé Canada, Mai 1999.
Tendances (figure 3)11
L'incidence de la syphilis diminue au Canada
depuis les années 40. Cette tendance à la baisse
s'est poursuivie en 1997, un nombre total de
76 cas de syphilis primaire et secondaire ayant été
déclarés, soit un taux de 0,3 pour 100 00011. Ce
déclin offre une occasion rêvée d'éliminer la
transmission endémique de la syphilis au Canada.
Malgré un taux dix fois plus élevé (8 550 cas et un
taux de 3,2 pour 100 000) que celui du Canada,
les États-Unis ont entrepris d'atteindre cet
objectif14.
Source : Bureau du VIH/sida, des MTS et de la tuberculose, LLCM, Santé Canada, Mai 1999.
Est-il possible d'éliminer la syphilis au
Canada?
Un certain nombre de facteurs militent en faveur
de l'élimination de la syphilis. Le faible taux de
croissance du tréponème (temps de division de
33 h) et la longue période d'incubation de la
maladie (de 10 à 90 jours) laissent suffisamment
de temps pour identifier les contacts sexuels
récents, un traitement préventif pouvant être
administré avant l'apparition de maladies
cliniques15. La pénicilline permet de traiter
efficacement et à peu de coût la maladie et
d'interrompre la transmission. Dans le cas de ceux
qui sont allergiques à la pénicilline, des essais
thérapeutiques faisant appel à l'azithromycine
sont en cours et les résultats préliminaires
semblent encourageants16,17. On n'a pas fait état
de cas d'antibiorésistance présentant un intérêt
clinique et il n'existe aucun réservoir animal.
Malgré la baisse de l'incidence de la syphilis au
Canada, nous devons poursuivre nos efforts de
lutte et être à l'affût de tout retour en force de la
syphilis, comme cela s'est passé en Colombie-Britannique. Il faut élaborer de meilleurs
programmes de surveillance, de dépistage, de
prévention, de diagnostic et de prise en charge
afin de prévenir un tel retour en force dans les
grandes villes, en particulier parmi les populations
marginalisées18. Il importe d'améliorer notre
capacité d'intervenir rapidement à l'échelle
régionale, provinciale, territoriale et nationale
lorsque surviennent des épidémies.
À mesure que le nombre de cas au Canada
diminuent, les cas de syphilis importée
deviendront de plus en plus nombreux. Il faut
cibler davantage nos efforts sur les voyageurs et
les immigrants, compte tenu du fait qu'il existe
environ 12 millions de cas de syphilis dans le
monde19.
Dans le passé, seul un petit nombre de maladies
infectieuses transmises localement (p. ex.
paludisme, variole, polyomyélite) ont pu être
éliminées au Canada. C'est la première fois
qu'une maladie transmise sexuellement pourrait
être éradiquée. Nous nous trouvons en quelque
sorte à un carrefour. Les efforts en vue d'éliminer
la syphilis contribueront non seulement à réduire
les coûts individuels et sociaux associés à cette
maladie, ils devraient également renforcer
l'infrastructure de la santé publique vouée à la
lutte contre des maladies comme l'infection à
VIH, l'hépatite C et la tuberculose dans les mêmes
populations marginalisées. Nous pouvons faire de
ce rêve une réalité si les ressources suffisantes
sont mises à notre disposition. Le temps est venu
de tourner une page d'histoire au Canada.
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Pour plus d'information, veuillez communiquer avec :
Division de la prévention et du contrôle des MTS
Bureau du VIH/sida, des MTS et de la tuberculose
Laboratoire de lutte contre la maladie
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Ottawa (Ontario) K1A 0L2
Tél. : (613) 957-1787
Fax : (613) 957-0381
[Also available in English]
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Article original sur www.hc-sc.gc.ca
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